Liviu Ioan
Stoiciu, né en 1950, est poète, prosateur, dramaturge, essayiste
et
journaliste. Après avoir quitté sa ville natale en 1990, il s’est installé à
Bucarest et s’est occupé, en qualité de rédacteur en chef, des revues
Contrapunct et Viata româneascã.
Il a écrit onze recueils de
poèmes (Au fanion, Le coeur à rayons, Lorsque la mémoire
reviendra, Un monde parallèle, Poèmes aristocratiques, La
solitude collective, Les ruines du poème, Post-hospices, Le
poème-animal, Lors du départ, pam-param-pam/adjudu vechi) et s’est vu
décerner deux fois non seulement le Prix de l’Union des Écrivains de Roumanie,
mais aussi le Prix de l’Association des Écrivains de Bucarest. Quant au recueil
La solitude collective, il a reçu en 1996 le Prix de l’Académie
roumaine.
Liviu Ioan Stoiciu a également publié plusieurs romans, du théâtre
et deux ouvrages de mémoires et d’essais.
traduction
Liviu Ioan
Stoiciu
(Roumanie)
Donner à boire aux assoiffés
descendues de quelques
calèches couvertes de poussière, rentrées
à la maison pour
boire un café
turc comme seul un homme sait le faire, au
bord
d’une mare salée – des
femmes
désireuses d’apprendre les choses mortelles. Assoiffées.
Descendues,
par une, par deux, par trois
générations de femmes après les
générations hantées par les lombrics
de la solitude. « Non, hantées par
l’amour », disent-elles...
Elles entre elles, la conversation
traîne en
longueur : des femmes ? Un grouillement de ressentiments
au bout du
compte,
prêt à te rendre fou. Qui répand
l’amertume : « Leurs dires ? Tout
comme
le fumier »... Elles, qui
déterminent le type de la particule
élémentaire... Des femmes
séchées par le temps, remplacées par d’autres
femmes,
pulvérisées,
condensées sous la terre en forme de sel,
rentrées
vivantes dans ce monde de temps à autre, rarement, descendues
de quelques
calèches couvertes de poussière pour
boire un café
turc au bord d’une
mare...
Musée transformé en église
Dieu passe devant la
fenêtre, il a une sirène – vois-tu
combien de rides creusent son visage ? Je
ne vois pas.
Le plancher craquette : accoudés, muets
encore aujourd’hui,
vous faites
vaciller la petite cuillère dans la tasse, mécontents. La
corneille, posée
sur la porte d’entrée, croasse, crie, bat
des ailes, nous
deux nous sommes les seuls
à la comprendre : « la chance vous sourit de
nouveau », dit-elle.
Vous, le peuple,
applaudissez. N’écarquille plus les
yeux : qu’est-ce
que tu as, j’ai mal à la tête, on t’a peut-être jeté
le
mauvais oeil... Ce n’est pas pour ce mal de tête que je me plains,
mais
pour
ce que tu es dans le champ de colza, dans la photographie, auprès
de
cette femme aux seins nus : sa
voix tremble,
tu recommences ? Descendant
ensemble la colline... À peine
sortis de l’hypocrisie et rentrés dans
un
musée de sciences naturelles,
libres, un musée transformé en église –
soyez
tous bénis, « le néant
demeure au-dedans de moi-même
».
Amenée à se prostituer
accrochée à un soupirail, la
demoiselle
aux jambes nues, reprend
difficilement haleine : hé, t’as
encore des courts-circuits ?
Le calvaire de la colline lui
revient à
l’esprit, la rose dans le jardin de sa maison, l’âne
au pré... « Des
courts-circuits
dans mon corps de rapace, que
j’ai vendu aux
matelots,
pour payer le voyage », crie-t-elle – j’ai encore
des
courts-circuits. Et pleure. Elle,
amenée dans le Nouveau Monde pour y
prostituer
son corps de rapace, qui n’est qu’une de
ses apparences, au
milieu de
cette foule de badauds à peine
entrevue : un visage moins
décharné,
des bracelets de perles végétales, dans
les vagues, dans la
cabine
du capitaine, gardée par un poisson
tyrannique, local. Un
ange
qui
lui fait avaler encore et toujours je ne sais quelle
substance
aphrodisiaque, pour
qu’aujourd’hui non plus elle ne recherche la
rédemption,
mais pour qu’elle s’élève
et se pavane.
· poèmes tirés de l'Anthologie de la poésie roumaine
contemporaine,
choix et traductions par Linda Maria Baros in
Confluences poétique (140 p.),
Paris, France, 2008
· lire aussi les poèmes traduits
par Linda Maria Baros pour la revue Poésie 2003,
Paris,
France
traduction © Linda Maria Baros
biobibliographie © Linda Maria Baros


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