Ileana Mãlãncioiu, née en 1940, est docteur ès philosophie, poète et
essayiste. Elle a écrit huit recueils de poèmes : L’oiseau au cou tranché,
Le coeur de la reine, Des lys pour mademoiselle la mariée, Sacrifice complet, Au-delà de la zone interdite, Ma soeur de l’au-delà, La ligne de vie et L’escalade de la montagne. Elle est également l’auteur de six livres d’essais : La faute tragique, Voyage vers moi-même, Crime et moralité, essais politiques, La chronique de la mélancolie, Parler dans le désert, Le recours à la mémoire.
Ses écrits ont reçu le Prix de l’Académie roumaine, de l’Union des
Écrivains de Roumanie et de l’Association des Écrivains de Bucarest. Les
oeuvres complètes d’Ileana Mãlãncioiu se sont vu décerner le Prix Mihai
Eminescu
, le Grand Prix Lucian Blaga et le Prix National de Littérature.
Avant la révolution, Ileana Mãlãncioiu a travaillé en tant que rédacteur
pour la Télévision roumaine, la revue Arges, le studio cinématographique
Animafilm et la revue Viata Româneascã. Après 1989, elle est devenue
rédacteur en chef adjoint de la revue Viata Româneascã et a exercé cette
même fonction pour la maison d’édition Litera.

traduction
Ileana Malancioiu
(Roumanie)
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L’oiseau au cou tranché

Selon la coutume, les vieux m’ont cachée,
Pour que je n’oublie pas la peur de l’oiseau au cou tranché,
Et moi, je l’écoute à travers la porte fermée
Se rouler par terre et se débattre.

Je tords le verrou gâté par le temps
Pour oublier ce que j’ai entendu, pour échapper
À ce débattement dans lequel
Le corps court toujours après la tête coupée.

Je frissonne quand les yeux pétrifiés épouvantés
Roulent et deviennent tout blancs
Et quand pareils aux grains de maïs
D’autres oiseaux viennent les picorer.

Je prends d’une main la tête, de l’autre le reste,
Et quand c’est trop lourd je fais l’inverse,
Pour qu’ils restent encore liés, avant qu’ils ne meurent,
Du moins ainsi, à travers mon corps.

Mais plus tôt meurt la tête,
Comme si le cou avait été mal tranché,
Et pour que le corps ne se débatte pas tout seul
J’attends qu’à travers moi le rejoigne la mort.


Dis-le-moi, père

C’est l’automne, le ciel est clair,
À travers ma fenêtre, l’on voit la forêt
Aux feuilles rouges
Qui vont bientôt tomber
Et moi je les regarde
Se tenir accrochées
Comme les langues d’un peuple
De pendus.
Dis-le-moi, père,
Qu’arrive-t-il à ce peuple
Et pourquoi reste-t-il devant ma fenêtre
Pour me tirer la langue.


Monsieur Arthur

Monsieur Arthur était assis devant l’âtre,
ne vous ennuyez-vous pas tout seul, ai-je demandé,
je ne suis pas seul, me rassura-t-il, je suis avec les pouillots véloces,
et il ouvrit l’âtre pour me les montrer.
N’aie pas peur, me dit-il, rien ne peut leur arriver,
les pouillots véloces sont très résistants au feu,
et c’est en effet sur un monceau de braise que je les vis hissés
comme sur un oeuf couvé prêt à éclore.
J’entendis même un coup léger
dans la coquille de feu
et je vis en sortir pour de vrai
le premier poussin du nouveau
peuple d’oiseaux sans griffes
et sans crête et sans jabot
qui chantait dans l’âtre de monsieur Arthur



· poèmes tirés de l'Anthologie de la poésie roumaine contemporaine,
choix et traductions par Linda Maria Baros, in Confluences poétiques (140 p.),
Paris, France, 2008

· voir aussi le poème du tract ZOOM - ROUMANIE, j'aime la poésie,
projet initié en 2006 par Linda Maria Baros, Salon du Livre, Paris, 2009


traduction © Linda Maria Baros
biobibliographie © Linda Maria Baros
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