Dan Coman, né en 1975 en Transylvanie, a fait des études de philosophie à l’Université Babes-Bolyai de Cluj-Napoca.

L’année de la taupe jaune, son premier recueil de poèmes, s’est vu accorder en 2004 le Prix National de Poésie Mihai Eminescu – opera prima et le Prix du Premier Recueil de l’Union des Écrivains de Roumanie. Son deuxième recueil, Ghinga, est paru en 2005 à Bucarest.

En 2007, il a publié une anthologie de poésie intitulée D Great Coman.

traduction
Dan Coman
(Roumanie)
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ghinga

a)

tout le monde me dit dan. et moi : dan. dan, il faut faire gaffe.
avec mes mouvements brusques j’ai blessé les animaux de l’air
et maintenant il y a du sang coagulé qui goutte sur mes cheveux.
chaque matin je sors ma tête d’entre les bras de cette femme
et j’aboie aux côtés de quelques chiens noirs.

dan. nuit après nuit je tressaute et souille mes pommettes avec
                                                                               mes chevilles.
je ne crie pas mais je me frappe tout le temps en cachette.
le plus souvent lorsque je la regarde avec beaucoup d’attention
je vois ghinga inquiète et recroquevillée dans un recoin de la pièce
murmurer sans cesse mon nom.
de part et d’autre coulent follement les pluies d’été.

tout le monde me dit dan. et moi : dan. dan, il faut faire gaffe.
et tout de suite après fumant et grommelant en cachette je longe
                                                              à quatre pattes les pièces.
j’ai toujours un animal domestique enroulé autour de la bouche.
et le matin. le matin vas-y fonce en emportant aussi l’ombre
et la terre qui m’arrive presque aux cuisses
et les gencives baignées dans le jus de prunes.

vas-y fonce vas-y fonce et vers minuit
il n’y a que la tête qui ressort d’entre ses bras
aux côtés de quelques chiens noirs
qui glapissent à chaque coup sec asséné par le soleil hivernal.


b)

aussi peu que possible sur la mort. sur la vie d’entre ses bras. et rien
même pas un mot qui pourrait réveiller ghinga et chasser son odeur.
il m’arrive rarement de voir et lorsque je vois j’en ai honte quarante
                                                                                       jours d’affilée.
j’ai résisté à toutes les peurs mais face à moi
j’ai toujours les jambes qui flanchent.
rien d’autre ne peut m’amadouer.
et il y a aussi ces vendredis matin lorsque porté sur les bras par ghinga
j’ouvre de mes deux mains les lèvres des vivants
et en me servant de ma tête exactement comme d’un oiseau
                                                                                      de basse-cour
je picore patiemment la noirceur de leur bouche.


c)

pour ne pas sentir la transpiration j’ai bouché tout mon corps
avec de la terre
puis j’ai tourné cent fois autour de moi-même pour répandre le froid.
je suis à l’abri pour le restant de ma vie. je suis serein
et de bonne humeur :
comme des chiots de caniche se dressent les morts et réchauffent
mon coeur.
je ne leur parle jamais mais le soir surtout le soir je les sors
pour prendre l’air
et ils geignent et grommellent dans leur charabia.
il y en a qui portent au-dedans d’eux une vraie maladie
et c’est pour cela
qu’ils ressuscitent perpétuellement à quelques jours d'intervalle.
et alors autour du soleil il fait noir noir
et la lumière jaillit d’entre les cuisses de cette femme et les frappe
avec exactitude.
je suis à l’abri pour le restant de ma vie. je suis serein
et de bonne humeur :
très tôt le matin je m’allonge au beau milieu de la pièce
et je me concentre uniquement sur mes plaisirs. l’espace de quelques
heures rien n’existe plus
même si les morts comme quelques nouveau-nés délaissés
se ramassent tout de suite à mes pieds et dans leur charabia ils
se mettent à geindre et se mettent à trembler et se mettent tous
à hurler.



· poèmes tirés de l'Anthologie de la poésie roumaine contemporaine,
choix et traductions par Linda Maria Baros in Confluences poétiques (140 p.),
Paris, France, 2008
· voir aussi les poèmes du Dossier de poésie - Treize poètes roumains
contemporains
(86 p.), choix et traductions par Linda Maria Baros,
in Électron libre n°  4, Maroc, 2009
· voir aussi les poèmes publiés dans le Dossier de poésie - Onze poètes
roumains contemporains
(30 p.), traductions de Linda Maria Baros,
in Langage et créativité, Canada, 2008

· voir aussi les poèmes paru dans la revue MIR n° 1, France, 2007
· voir aussi le poème du tract ZOOM - ROUMANIE, j'aime la poésie,
projet initié en 2006 par Linda Maria Baros, Salon du Livre, Paris, 2007


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