Ioan Es. Pop, né en 1958 au pays de Maramures, a fait des études de Lettres (roumain-anglais) à l’Université de Baia Mare.
Il a publié neuf recueils et anthologies de poésie : L’Ieud sans issue (Prix du Premier Recueil de l’Union des Écrivains de Roumanie, 1994), Porcec (1994), Pantelimon 113 bis (Prix de Poésie de l’Union des Écrivains de Roumanie,
Prix de la ville de Bucarest et Prix Mihai Eminescu de l’Académie roumaine, 1999), Le Pont (2000), La Prière d’anthracite (recueil bilingue roumain-anglais, 2002), Pour piétons pas sages (Prix de Poésie de l’Association des Écrivains Professionnels de Roumanie et Prix de Poésie de l’Union des Écrivains de Roumanie, 2003), Confort deuxième degré amélioré (2004), recueil écrit en collaboration avec le poete Lucian Vasilescu, Les Mondes livides (recueil bilingue roumain-anglais, 2004), Les derniers seront les premiers (livre de bibliophilie, 2007) et No Exit (2007).
En 2004, Ioan Es. Pop a reçu l’Ordre du Mérite Culturel.

traduction
Ioan Es. Pop
(Roumanie)
retour bibliothèque
15, rue oltetului, chambre 305

comme un amer et grand oiseau marin
flotte la malchance au-dessus des foyers pour jeunes travailleurs,
15, rue oltetului.
ici ne vivent que ceux qui nous ressemblent. ici
la vie se boit et la mort s’oublie.
et on ne sait jamais qui contre qui, qui avec
qui et quand et pourquoi.
seul le vent apporte parfois une odeur de fumée et un bruit d’armes
depuis les champs catalauniques.
quand tu viens nous voir, mon ami, prends garde : devant la porte
t’accueillera
le pou de san josé, c’est le gardien, il frétillera de la queue,
il te dira donne-moi cinq lei mon vieux pour que je te fasse passer
l’eau, la porte
est fermée, on me laisse toujours dehors, on m’a emprisonné dehors ;
ne le crois pas, mon ami, tu ne sais pas, toi, le gérant est venu hier
et l’a nommé chef sur tout le palier, c’est lui qui gouverne maintenant
cette chambre, ce navire maudit sous lequel l’eau s’est retirée
et qui est resté figé ici au troisième étage.
paie-le donc, mon ami, c’est lui le timonier, il vacille toujours
comme jadis lorsque le navire bondissait sur l’eau.
et s’il jure comme un charretier, écoute-le pieusement ; quand il jure
il prie. c’est ce qu’ils font tous par ici.
c’est ce que tu feras bientôt, toi aussi.
ici ne vivent que ceux qui nous ressemblent. ici
la vie se boit et la mort s’oublie.
il n’y a que la nuit, pendant les rares instants de repentir et de foi,
que les murs s’amenuisent, s’allongent, s’élèvent
comme un linceul tremblant vêtu par un corps qui n’est pas
de ce monde-ci.
mais personne ne se réveille et au petit matin le foyer est de nouveau
une chemise fripée, nous sommes les seuls à sortir de ses poches, nous
et c’est tout,
nous et c’est tout.
ici ne vivent que ceux qui nous ressemblent. ici
la vie se boit et la mort s’oublie.


j’ai embauché, mon vieux, deux gars de la chambre 24,
ils prient pour nous jour et nuit nous
obtiendrons sûrement le pardon nous
pouvons continuer à boire.



(l'oiseau hans)

la nuit un oiseau est entré par la fenêtre
j’étais sûr qu’il s’agissait de hans.
l’oiseau était chauve comme lui et ivre mort.
hé, dit-il, prends 50 lei et va de l’autre côté de la rue, on y vend
une gnôle extra. nevermore, lui ai-je répondu.
il dit : depuis que je suis parti de chez vous, dit-il, on m’a
embauché comme gardien de nuit au cimetière belu. j’ai un
gyrophare premier choix. le jour je dors. je travaille
avec la police. j’ai de la tune à vous enterrer tous avec. je suis
la chouette
de minerve. je n’ouvre les yeux que lorsqu’il fait noir.
maintenant on m’a monté en grade. j’ai de grosses marques sur
le foie. ça remonte aux temps où je vivais
par ici avec vous. ô ! et les blessures me font toujours mal.
vas-y, hé, va acheter quelque chose pour fêter ça.
hansi, lui ai-je dit, nevermore.



l’ieud sans issue

à l’ieud sans issue nous aussi, nous aussi
nous nous sommes rendus autrefois
et nous y sommes toujours et nous y serons encore demain,
après-demain et
à jamais l’eau de la même rivière nous baignera.
combien de mois n’y a-t-il rien eu d’autre que le jour et la nuit
combien de mois l’avons-nous cherché partout ?
toi, le passant, prends garde : là-bas l’espace
tourne soudain à gauche, la tête du reptile se
détache du corps, le plâtre du cou se fend et crève. cette tête-là
flotte toute seule maintenant au-dessus des terres et des eaux
là-bas il est seul le solitaire
sur le navire de sébastien.
et toi, prends garde : si tu y glisses
aucune carte ne pourra t’en sortir
en vain te démèneras-tu pour trouver la sortie l’entrée la sortie
en vain te dépêcheras-tu pour déchirer le linceul de l’espace
dans lequel tu as glissé. de l’autre côté tu ne trouveras
que les traces de tes pas d’ici-bas.
sans frontières est l’ieud et sans issue.
aucune géographie n’a pas encore réussi à l’évaluer pas même
à vue d'oeil.
aucune aura ne le précède.
aucune queue de comète ne le suit.
comme un nuage dans le ciel il flotte au-dessus
des terres et des eaux, aucune aura ne le
précède aucune queue de comète
ne le suit.



· voir aussi les poèmes parus dans l’anthologie poétique Sans issue / Fara iesire,
choix et traduction par Linda Maria Baros, Éditions L’Oreille du Loup, Paris, 2010


·
poèmes tirés l'Anthologie de la poésie roumaine contemporaine, choix et
traductions par Linda Maria Baros in Confluences poétiques (140 p.), Paris, France, 2008

· voir aussi le poème publié dans le Dossier de poésie contemporaine - Neuf poètes roumains (5 p.), traduit par Linda Maria Baros, in Versus/m n° 4, Roumanie, 2006


traduction © Linda Maria Baros
biobibliographie © Linda Maria Baros
revista
Sans issue / Fara iesire, anthologie poétique,
choix et traduction par
Linda Maria Baros,
Éditions L’Oreille du Loup, Paris, 2010
Ioan Es._Pop_traducere_2011_Linda_Maria_Baros
La bibliotheque ZOOM, poemes biobibliographies traductions photos auteurs contemporains
Poètes français, hollandais, espagnols, anglais, italiens, roumains, etc.